Le narcissisme toxique

À quoi ressemble le narcissisme toxique ?

Voici un exemple type de narcissisme toxique :

Monsieur Narcissus Magnificus le héros de mon petit récit, rencontre Anna et commence aussitôt à la bombarder de preuves d’amour. La prévenance et l’attention sans partage qu’il lui témoigne ne la laissent pas indifférente et elle lui rend ses compliments sur sa belle apparence.

Ils ne tardent pas à avoir des relations sexuelles ensemble dans sa chambre à coucher, avec un grand miroir accroché au mur. Monsieur Narcissus ne perd pas une occasion de se vanter de sa réussite professionnelle en tant que vendeur et commence aussi rapidement à s’immiscer dans le travail d’Anna et à lui expliquer comment elle doit tout y faire. Il lui dit aussi ce qu’elle doit porter et quand elle doit le porter pour être belle. Si elle objecte qu’il va pleuvoir, il lui assure que ce ne sera pas un problème pour la fête à laquelle il veut l’emmener, même s’il sait que la fête est prévue en plein air.

Anna sent qu’elle est de plus en plus manipulée par lui et lorsqu’elle apprend que Monsieur Narcissus ment souvent et qu’il a eu des problèmes au travail parce qu’il n’a pas pu conclure de ventes, elle veut se séparer de lui. Cependant, cela provoque une panique chez Monsieur Narcissus et il tente de se suicider, ainsi qu’Anna, car il voit soudain s’écrouler son édifice de mensonges.

Le narcissique toxique

C’est la réaction typique d’un narcissique dit sévère ou toxique (en 1964, Erich Fromm a qualifié cette pathologie du narcissisme, également de « narcissisme maladif »), qui se situe à l’extrémité supérieure du spectre glissant des degrés de gravité et représente environ 1 % de la population, tandis que les formes moins graves sont beaucoup plus fréquentes.

Dans cette forme de narcissisme toxique, il n’y a généralement pas de prise de conscience de la maladie (c’est-à-dire la reconnaissance par soi-même qu’on souffre d’un changement pathologique) et si quelqu’un leur en parle, ils répondent en toute bonne foi que si eux souffrent, c’est aux autres de se faire soigner. Les personnes concernées ont généralement été tellement traumatisées dans leur enfance que, pour se protéger, elles ont appris à supprimer pratiquement tous les sentiments négatifs, et ce aussi bien chez elles que chez les autres.

Ils ont pris l’habitude de manipuler et de rabaisser les autres afin de se valoriser et de se sentir mieux.

Les personnes atteintes de narcissisme toxique sont devenus d’excellents menteurs et se présentent comme des surhommes. Ce faisant, ils s’empêtrent peu à peu dans des mensonges de plus en plus farfelus. Mais gare à eux s’ils sont démasqués, car toute leur confiance en eux repose sur eux. Ils ne sont alors généralement pas en mesure de contrôler leurs impulsions et peuvent marcher sur des cadavres s’ils craignent que quelqu’un ne les démasque. Souvent, ils préfèrent se suicider plutôt que d’admettre que leur vie n’était qu’un mensonge.

Une cohabitation difficile

La cohabitation avec eux tourne rapidement au cauchemar et le psychisme du partenaire subit de sérieux dommages. Ils torpillent l’estime de soi de leur partenaire et détruisent les autres en s’appropriant leur personnalité et leur pouvoir d’interprétation.

Ils sont passés maîtres dans l’art de rejeter toute responsabilité d’un conflit naissant sur leur partenaire. Celui-ci réagit alors généralement par une obéissance préventive et essaie de ne rien faire de mal.

Il s’avère que les narcissiques toxiques ne choisissent pas n’importe qui, mais recherchent des partenaires qui se soumettent volontiers et qui ont généralement eux-mêmes subi des traumatismes dans le passé. Ceux-ci ont généralement une faible estime de soi et se sentent particulièrement attirés par les narcissiques parce qu’ils peuvent les idéaliser. Cela les rend également aveugles à leurs erreurs et imperfections.

Narcisse, détail d’un tableau de John William Waterhouse (1849-1917) à la Walker Art Gallery de Liverpool.

Les narcissiques sont sûrs d’eux

Les narcissiques toxiques, en revanche, sont sûrs d’eux et réussissent souvent très bien dans la vie. Il faut du temps avant de pouvoir jeter un coup d’œil derrière leur façade parfaite et de voir qu’il s’agit de narcissiques.
Leur succès s’explique souvent par le fait qu’ils se présentent avec assurance et ne se laissent guère déstabiliser par les échecs.

On les trouve particulièrement souvent à des postes de direction, car rares sont ceux qui osent critiquer ouvertement leur chef ou leur supérieur. Ils gravissent les échelons professionnels avec beaucoup d’assurance, alors que d’autres personnes s’arrêtent plus souvent dans leur évolution professionnelle et se demandent s’ils veulent vraiment une promotion et s’ils seront capables de répondre aux nouvelles exigences. De tels doutes sont étrangers aux narcissiques et, une fois qu’ils ont atteint la position de chef, ils empoisonnent l’ensemble du climat de travail. Ils récompensent les efforts de coude et se moquent de l’autocritique avec mépris.

Ils utilisent souvent le gaslighting

Dans les relations, ils utilisent souvent des méthodes sournoises comme le gaslighting, où ils se comportent de manière irrationnelle tout en persuadant leur victime qu’elle est folle et irresponsable.

En 1981, Victor Calef et Edward Weinshel (« Some Clinical Consequences of Introjection: Gaslighting ». The Psychoanalytic Quarterly. 50 (1): 44–66) ont expliqué ce phénomène de manière psychanalytique par la projection et l’introjection (le « transfert ») de contenus psychiques de l’agresseur à la victime. Le terme même de « gaslighting » provient de la pièce de théâtre du même nom « Gas Light » de 1938, dans laquelle le mari, chaque fois qu’il quitte la pièce, provoque secrètement un vacillement de l’éclairage au gaz qui s’arrête avant qu’il ne revienne et dès que sa femme en fait le récit, il nie qu’une telle chose ait jamais pu se produire et la persuade qu’elle est psychiquement instable, hystérique ou surchargée et que tout cela n’est que le fruit de son imagination. Elle serait donc folle et irresponsable, jusqu’à ce qu’elle le croie elle-même.

Il devient la seule bouée de sauvetage de l’autre

Dès que le narcissique toxique a réussi à ce que son partenaire n’ait même plus confiance en lui, il a sapé ce qui lui restait d’estime de soi et il est devenu sa seule bouée de sauvetage. Au bout d’un certain temps, la victime dans la relation a complètement désappris à prendre soin d’elle-même et a honte de choses qui sont tout à fait normales pour les autres.

Le Narcissus Magnificus du dessus aurait par exemple persuadé Anna que seules les personnes paresseuses dorment plus de six heures par nuit. Anna l’aurait alors elle-même détestée si elle s’était assoupie sur le canapé après le déjeuner ou si elle n’avait pas entendu le réveil le matin.

Une autre forme fréquente de manipulation dans le narcissisme toxique des sentiments consiste à déclencher une dispute au moment opportun avec la victime, ce qui met Anna en colère et l’empêche de terminer correctement son travail. Ensuite, l’occasion se présente pour lui de se sentir à nouveau supérieur à elle et il peut à nouveau lui imposer ses bons conseils pour son travail.

Il faut absolument demander de l’aide

Si quelqu’un soupçonne que son partenaire est un narcissique toxique qui le ou la manipule, il faut absolument demander de l’aide. Il faut en parler à une personne de confiance ou s’adresser à un centre de conseil. Un tel sentiment de malaise ne doit jamais être pris à la légère, car on court peut-être un grave danger.