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Les grandes et grosses fatigues

La grosse fatigue

Lorsqu’on parle de grande fatigue, cela évoquera chez certains des images de longs après-midi sombres ou des histoires d’ours bruns qui entre octobre et décembre commencent à hiberner. Pour ma part, cela me rappelle une journée sombre et froide à Londres au mois de novembre lorsqu’il n’y avait pas grand-chose qu’on aurait pu faire à l’extérieur et que je m’étais décidé à visiter le musée de Londres qui se trouve près de la cathédrale Saint-Paul. En entrant au musée, j’étais tout de suite à l’abri du froid et de l’humidité du temps qu’il faisait à l’extérieur, mais en suivant le parcours de l’exposition, j’étais également transporté à une autre époque loin du bruit des voitures modernes dans le décor des carrosses à cheval du XIXe siècle avec une lumière tamisée et une coulisse sonore de cochers d’autrefois. C’était le Londres dans lequel vivait le docteur James Parkinson qui avait publié en 1817 la première description médicale de la « paralysis agitans » que nous connaissons maintenant grâce à Jean-Marie Charcot comme maladie de Parkinson. Mais ce n’était pas l’image de cet illustre chirurgien qui avait capté mon imagination ce jour-là, mais le souvenir de Sam Weller, un personnage littéraire décrit par Charles Dickens en 1937 dans The Posthumous Papers of the Pickwick Club (traduit en français sous le titre « Les aventures de Monsieur Pickwick »).

Une image des Papiers posthumes du Pickwick Club qui desservent un cas de grosse fatigue

Un exemplaire ancien des Papiers posthumes du Pickwick Club, le premier roman de Charles Dickens.

Ce n’est pas le personnage principal du roman. Ce dernier a beaucoup de « personnages illustres » et il était à cette époque dans la bouche de tout le monde à Londres. On attendait impatiemment la prochaine édition du journal pour lire la suite, et le cocher Sam Weller ne faisait que de s’endormir alors que son maître, Monsieur Pickwick lui ordonna de répéter à voix haute les ordres qu’il lui donnait pour l’empêcher de s’endormir.

Par la suite, ce premier grand roman de Charles Dickens est presque tombé en oubli, mais le personnage du gros cocher Sam Weller qui s’endort à tout moment est resté vivant dans la mémoire collective.

Lorsque Burwell et ses collaborateurs ont publié leur article « Extreme obesity associated with alveolar hypoventilation syndrome » dans The American Journal of Medecine en 1956, ils se sont souvenus de ce personnage de Sam Weller et ils ont appelé cette forme de fatigue anormale le syndrome de Pickwick.

Le syndrome de Pickwick

Je me rappelle que ce syndrome était décrit dans les manuels de médecine de l’époque comme « Insuffisance respiratoire survenant chez les obèses ayant tendance à somnoler et à faire alors des pauses respiratoires ». Il se trouvait sur la même page que le syndrome d’Ondine (syndrome d’hypoventilation alvéolaire centrale), appelé d’après la légende de la nymphe Ondine, qui avait ôté à son mari, qui l’avait trompée, la possibilité de respirer automatiquement. Dans la légende, le mari mourut lorsqu’il s’endormit.

L’apnée du sommeil

Le syndrome de Pickwick associe l’obésité à une diminution de l’automaticité des centres respiratoires avec des apnées du sommeil, entraînant une hypoxie hypercapnique grave. Il est vrai que l’augmentation du travail ventilatoire du fait de l’obésité favorise l’apparition d’apnées, mais on se rend bien compte que tous les obèses n’en sont pas atteints.

C’est pourquoi on a de plus en plus abandonné cette appellation et qu’on parle aujourd’hui plutôt de l’apnée du sommeil et sachant que son apparition est favorisée par l’obésité, mais sans qu’elle en soit forcément une conséquence et qu’il y a également des cas d’apnée du sommeil sans obésité.

Quant au syndrome d’Ondine qui est beaucoup plus rare, on a pu l’expliquer en tant que maladie génétique due à une mutation au niveau du chromosome 4p12 (généralement du gène PHOX2B).

La sirène Ondine au cinéma

La sirène Ondine au cinéma

L’apnée du sommeil par contre s’est avérée une pathologie beaucoup plus répandue et importante qu’on ne pensait auparavant et même de nos jours il reste encore beaucoup de personnes qui en souffrent sans qu’on ait pu poser le diagnostic et leur proposer un traitement adéquat qui permettrait de rallonger leur espérance de vie de pas moins que de 10 ans !

Ainsi les personnages littéraires et mythiques disparaissent progressivement dans le brouillard du passé pour laisser la place à la médecine moderne et rationnelle qui comprend de plus en plus bien le fonctionnement du corps humain et tous ses dérèglements possibles.

Ainsi que les noms tirés de la mythologie grecque qu’on a l’habitude d’utiliser pour nommer ce que nous voyons comme les constellations dans le ciel nocturne n’ont aucun fondement dans l’astronomie moderne, les personnages du sympathique cocher de Monsieur Pickwick, Sam Weller et de la nymphe Odine seront bientôt disparu des nouveaux manuels de médecine et je me demande si j’arriverai à retrouver encore une fois cette même atmosphère du début de la période victorienne si je retourne à nouveau aujourd’hui dans le nouveau musée près du Barbican Centre à Londres.

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  • SPIR CAROLE dit :

    Cher Dr JÉROMIN,
    Je tiens à vous féliciter chaleureusement pour votre article si intéressant traitant des grandes et grosses fatigues, conseils comment combattre la grosse fatigue.
    J ai appris énormément de choses en vous lisant.J ai beaucoup aime votre narration et style d écriture, a la fois scientifique complété d une touche d humour.Vous m avez transporté dans une autre époque, dans une ballade dans un musée a Londres, qui n est malheureusement jamais évoqué par les scientifiques matérialistes, qui ne laissent aucune place aux rêves.Voud nous faites découvrir avec BRIO, le passé de ses grands chirurgiens, psychiatres qui ont mis en lumière la maladie de Parkinson, dont tant de personnes souffrent dans le monde.Votre écrit évoqué des personnages comme Sam Weller raconté par Charles Dickens, dans les aventures de Mr.PICKWICH.
    J ai beaucoup aime les touches humoristiques dans la narration, les noms scientifiques donnés a l époque, tels que le syndrome de PICKWICH, LE SYNDROME
    D ONDINE.Quand je vous lis, je suis captivée du début à la fin.Mon attention ne se détache jamais tant je suis transportée, captivée par votre écrit si intéressant, que vous réussissez à rendre palpitant.Cet écrit est très également très instructif pour les personnes qui vous lirons.
    Un grand MERCI, votre écrit relève d un grand professionnalisme sachant allier narration épatante, voyage, science, et tout cela avec le plus grand BRIO(je le pense sincèrement)
    Peut être pourriez vous redonner cette même atmosphère dans un manuel de médecine relevant de la neuro-psychiatrie, les étudiants dans cette discipline en seraient ravis.

  • Merci de témoigner de votre enthousiasme. Allez-y et continuez sur ce chemin. Votre vie s’en trouvera enrichie.

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